97 – Vallaslin : lettres de sang

PJ elfe dalatien

 

Lorsque les enfants de notre peuple arrivent à l’âge adulte, ils gagnent le privilège de porter les vallaslin, les lettres de sang. Ils nous différencient des shemlens et des elfes qui s’y sont acoquinés ; ils nous rappellent que plus jamais nous ne perdrons nos traditions ni nos croyances.

Il convient d’aborder ce rituel avec les plus grands égards. Le futur porteur des vallaslin doit s’y préparer en méditant sur les dieux et les coutumes de notre peuple, ainsi qu’en purifiant son corps et sa peau. Le moment venu, c’est l’Archiviste du clan qui applique les lettres de sang, dans le silence le plus complet. Tout cri de douleur est signe de faiblesse. Qui ne peut tolérer la douleur des vallaslin ne saura endosser les responsabilités d’un adulte. L’Archiviste peut interrompre le rituel s’il juge que le porteur des vallaslin n’est pas prêt. Il n’y a là aucune honte, car tous les enfants sont différents et l’enfance de nos ancêtres durait des siècles.

— D’après la tradition orale de Gisharel, Archiviste du clan dalatien Ralafeïrin.

 

PJ non dalatien

 

Après ma rencontre avec les elfes dalatiens sur la route du Névarra, j’étudiai le moindre ouvrage sur les elfes qui me passait sous la main. Je compulsai mythes, légendes, Histoire pour tenter de séparer le bon grain de l’ivraie. Mais les livres ne disent pas tout ; je savais que pour comprendre véritablement les Dalatiens, il me faudrait partir à leur rencontre, ce qui rétrospectivement était une idée catastrophique. À ma décharge, j’étais jeune et quelque peu éméché lorsque l’idée surgit dans mon esprit. Hélas, même après avoir cuvé, elle continuait à me séduire et refusait obstinément de quitter mes pensées.

Après que l’idée eut érodé ma résolution pendant plusieurs mois, je finis par céder et me mis en quête des Dalatiens. Des semaines durant, j’errai à travers les forêts qui bordent Orlaïs, avant de découvrir – ou plutôt d’être découvert par – un chasseur dalatien dont j’avais maladroitement activé un piège ; soudain, je me retrouvai suspendu à un arbre, une corde autour des chevilles.

Me voilà donc sans défense, cul par-dessus tête, la culotte présentée à la ronde. Ma situation peut prêter à rire aujourd’hui, mais je puis dire en toute franchise que je ne l’eus pas souhaitée à mon pire ennemi. Par chance, mon bourreau retint son bras, peut-être interloqué par mes pitreries : que peut-on craindre d’un humain suspendu comme un animal qu’on égorge ?

Il s’assit donc, alluma un petit feu et se mit à dépecer le cerf qu’il venait de prendre. Bientôt, je trouvai le courage de parler. Je jurai mes grands dieux que je ne venais pas lui faire du mal, ce à quoi il répondit en riant que si j’en avais eu l’intention, j’avais échoué dans les grandes largeurs. Pour finir, nous en vînmes à converser ; et par converser, j’entends que je lui posais des questions auxquelles il daignait parfois répondre.

Seuls une poignée de Dalatiens, me dit-il, cherchaient activement les voyageurs humains pour les dépouiller. La plupart des siens ne demandaient qu’à ce qu’on les laissât en paix. Il semblait d’avis que châtier les humains pour les exactions de leurs ancêtres ne conduirait qu’à plus de violence. Je l’interrogeai à propos des tatouages élaborés qui ornaient son visage ; il les désigna comme ses vallaslin, ses « lettres de sang ». Les siens symbolisaient Andruil la chasseresse, l’une des divinités elfiques les plus révérées. Il m’apprit que les Dalatiens se marquent afin de se rendre différents des humains et de ses congénères qui ont choisi de vivre sous tutelle humaine. Les vallaslin rappellent à son peuple que plus jamais ils ne doivent abandonner leurs croyances.

Quand il eut fini de dépecer le cerf, il coupa la corde qui me retenait. Le temps que je me redresse et que je surmonte les vertiges qu’avait entraînés le reflux du sang quittant ma tête, il avait disparu.

À mes lecteurs, je déconseille de partir en quête des Dalatiens. J’eus beaucoup de chance de rencontrer mon interlocuteur et de m’en tirer indemne. Peut-être le Créateur veille-t-Il sur ceux qui recherchent le savoir d’un cœur franc ; j’aime à penser que c’est le cas.

— Extrait de « À la poursuite du savoir : pérégrinations d’un érudit chantriste » de frère Génitivi.

La Couronne de Cuivre