57 – Ghilan’nain, mère des hahls

L’on dit que Ghilan’nain faisait partie du peuple d’avant Arlathann. Élue d’Andruil la chasseresse, elle était gracieuse comme une gazelle et d’une beauté radieuse, de par sa chevelure d’un blanc immaculé. Elle était toujours fidèle aux Voies d’Andruil qui, en retour, lui accordait la primeur de ses grâces.

Un jour qu’elle posait ses collets dans la sylve, Ghilan’nain rencontra un chasseur qui lui était inconnu. À ses pieds, un faucon dont il avait percé le cœur d’une flèche. Ghilan’nain bouillonnait de rage, car le faucon est avec le lièvre l’un des animaux bien-aimés d’Andruil ; aussi exigea-t-elle que le chasseur présentât une offrande à Andruil pour expier ce meurtre. Devant le refus du chasseur, Ghilan’nain invoqua sur lui la malédiction de la déesse, afin que plus jamais il ne pût chasser et tuer créature vivante.

Fidèle à la malédiction, le chasseur s’aperçut qu’il était devenu incapable de chasser : ses proies s’enfuyaient dès son arrivée et ses flèches s’égaraient. Bientôt, amis et parents se riaient de son impotence, car que vaut un chasseur s’il ne peut prendre de proies ? De honte, l’homme se jura de retrouver Ghilan’nain et lui revaloir ce qu’elle lui avait infligé.

Il débusqua Ghilan’nain alors qu’elle chassait avec ses sœurs et l’attira loin d’elles à force de mensonges et de promesses creuses. Il lui assura qu’il avait compris la leçon et la supplia de le suivre pour procéder à une offrande à Andruil en bonne et due forme. Émue par sa supplique, Ghilan’nain suivit le chasseur qui, une fois loin des sœurs, se retourna contre elle. Il commença par l’aveugler puis la ligota comme on ligote une proie que l’on vient de tuer. Mais en vertu de la malédiction, le chasseur ne pouvait la tuer ; il se contenta donc de la laisser pour morte en forêt.

Ghilan’nain implora alors l’aide des dieux. Elle pria pour qu’Elgar’nan lui accorde la vengeance, pour que mère Mythal la protège, mais plus encore, elle pria Andruil. Celle-ci lui envoya ses lièvres qui rongèrent ses liens. Hélas, Ghilan’nain, blessée, aveuglée, ne pouvait rentrer chez elle. Aussi Andruil se changea-t-elle en un magnifique cerf blanc, le premier des halla. Alors, Ghilan’nain retrouva ses sœurs et les conduisit jusqu’au chasseur, qui reçut juste rétribution.

À dater de ce jour, les halla ont guidé le peuple. Jamais ils ne nous ont égarés, car ils entendent la voie de Ghilan’nain.

— D’après le « Dit de Ghilan’nain », selon la tradition orale de Gisharel, Archiviste du clan dalatien Ralafeïrin.

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