56 – Fen’Harel, le grand loup

Nous ne connaissons que peu de choses à propos de Fen’Harel qui, dit-on, n’avait cure de notre peuple. Elgar’nan et Mythal ont créé le monde que nous connaissons, Andruil nous a enseigné les Voies du chasseur, Sylaise et June nous ont donné le feu et les façons ; Fen’Harel, lui, n’avait d’yeux que pour lui-même. Après la destruction d’Arlathann, quand il trahit les dieux et les rendit sourds à nos prières, il est dit que Fen’Harel passa des siècles en un lieu reculé de la terre, tout à sa jubilation insensée.

Les légendes disent qu’avant la chute d’Arlathann, les dieux que nous connaissons et révérons s’étaient livrés à une guerre éternelle avec d’aucuns des leurs. Il n’est pas un hahren parmi nous qui se souvient encore de ces derniers : ce n’est que dans nos rêves que nous entendons murmurer les noms de Geldauran et Daern’thal et Anaris, car ce sont les Grands Déperdus, dieux de terreur, méchanceté, mépris et pestilence. En les temps anciens, seul Fen’Harel savait marcher sans peur parmi nos dieux comme parmi les Grands Déperdus, car si par son sang il était des dieux du peuple, les Grands Déperdus connaissaient sa malice et voyaient en lui l’un des leurs.

Et ainsi advint-il que Fen’Harel les dupa. Aux dieux, il affirma qu’ils devaient se retrancher dans les cieux pendant qu’il négociait une trêve, et eux qui l’embrassaient comme un frère le crurent. Aux Grands Déperdus, il prétendit qu’il allait faire chuter les dieux, pourvu que ces derniers se retirent un temps dans l’abîme, et ils le crurent. Tous prêtèrent foi à Fen’Harel, et tous furent trahis. Fen’Harel les enferma pour que jamais plus ils ne puissent marcher aux côtés du peuple.

— Tiré du « Triomphe de Fen’Harel », d’après la tradition orale de Gisharel, Archiviste du clan dalatien Ralafeïrin.

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