54 – Elgar’nan, dieu de la vengeance
Jadis, lorsque le temps lui-même était jeune, seuls existaient le Soleil et la terre. L’un, curieux de l’autre, approcha son visage du corps de la belle ; et ainsi naquit Elgar’nan, à l’endroit où ils se touchèrent. Le Soleil et la terre étaient très fiers d’Elgar’nan, de sa beauté et de son intelligence. Sa mère lui offrit grands oiseaux, animaux du ciel et de la forêt, faune et flore toujours plus merveilleuses. Reconnaissant de ses cadeaux, Elgar’nan passait le plus clair de son temps parmi eux.
Le Soleil contempla la terre fertile et vit la joie qu’Elgar’nan puisait dans ses bienfaits. Par jalousie, il découvrit son visage tout entier devant toutes les créatures de la terre et les réduisit en cendres. La terre se craquela de douleur et pleura des larmes de sel pour les enfants qu’elle avait perdus. Ces larmes donnèrent l’océan, les terres craquelées accueillirent fleuves et rivières.
Elgar’nan, furieux des actes de son père, jura de se venger. Il se hissa dans les cieux et lutta contre le Soleil, bien décidé à le vaincre. Une éternité durant, ils restèrent aux prises l’un à l’autre, jusqu’à ce que le Soleil faiblît face à l’inextinguible rage d’Elgar’nan. Ce dernier finit par faire tomber du ciel le Soleil et l’enfouit dans un profond abîme créé par la douleur de la terre. Sans le Soleil, le monde fut plongé dans les ténèbres ; il ne restait plus dans le ciel que les traces du combat entre Elgar’nan et son père : les gouttes du sang versé par ce dernier, qui scintillaient au milieu de la nuit.
— D’après le « Dit d’Elgar’nan et du Soleil », selon la tradition orale de Gisharel, Archiviste du clan dalatien Ralafeïrin.