50 – La fortune de Thorval

Ser Thorval de Galdée était le sixième fils d’un sixième fils, enfant de mauvais augure. Preuve en fut faite à son 13e anniversaire, lorsqu’il n’échappa aux roues d’une carriole que pour mieux se faire écraser par un arbre. Preuve, encore, à son mariage où sa promise s’enfuit avec un rétameur nain.

Mais ce fut sur le champ de bataille que l’infortune de Thorval culmina. Il avait beau être sans égal parmi les chevaliers de Galdée et avoir remporté les tournois de Golefalois et des Collines occidentales, ser Thorval essuyait débâcle sur débâcle, car toutes les lames qu’il portait au combat se brisaient, tous ses boucliers se fendaient. Il s’attira honneur et renommée… ainsi que des frais de forge colossaux, lui qui cherchait l’épée et le bouclier assez solides pour lui résister.

Un jour que Thorval se rendait à Dénérim pour disputer un tournoi, son cheval perdit un fer et envoya le chevalier tête la première dans une souche d’arbre creuse. Lorsqu’il revint à lui, il s’aperçut qu’à un pouce à peine de son nez se trouvait la lourde tête d’acier d’un énorme martel de fer. Puisque son épée s’était bien évidemment brisée dans sa chute, Thorval s’en empara à la place.

Il n’était guère orthodoxe qu’un chevalier se servît d’un martel dans un tournoi, mais Thorval remporta chacun de ses combats haut la main et, comble, le martel en réchappa. À compter de ce jour, il n’utilisa plus jamais d’autre arme. À sa mort, bien des années plus tard, il légua le martel à son sixième fils, Anselme, qui eut tôt fait de le perdre.

La Couronne de Cuivre