306 – Une note chiffonnée

J’espère que qui trouvera cette note sera en mesure de la lire. Je frémis à l’idée que mes derniers mots servent à allumer quelque feu ou, pire encore, à torcher quelque cul. Mais au-Créateur-vat.

Mon nom est Branan, de Galdée. Il fut un temps où je cultivais des pommes. Lorsque les Orlésiens sont venus exiger que je courbe l’échine devant leur empereur, je les ai envoyés se faire pendre. Ils ont incendié ma pommeraie et ma maison, mais je n’en avais cure, j’ai admiré le brasier. Les arbres finissent par mourir, les maisons par s’écrouler. Mais je ne perdrai mon honneur que si je l’abandonne.

Ils sont revenus la semaine suivante en exigeant que je leur prête allégeance. Cette fois, quand j’ai refusé, ils m’ont mis aux fers. Me voilà condamné à mourir ici. Ma mort doit vous paraître bien sotte, j’imagine ? Un mot de moi et j’aurais pu rebâtir mon foyer, reprendre le cours de ma vie comme si de rien n’était. Mais cent générations de ma famille ont vécu et trépassé sur ces terres ; je ne vais pas vendre l’honneur de ma famille pour quelques pommes.

Qui que vous soyez, quelle que soit la raison de votre présence, si vous sortez d’ici, puissiez-vous aller à Galdée. Ma famille a beau s’éteindre avec moi, vous l’y trouverez quand même, imprégnée dans la terre, insufflée dans le vent qui agite les arbres. Contez ma mort à ma famille et je vous l’assure, elle vous entendra.

— Branan.

La Couronne de Cuivre