215 – Les premiers enfants du Créateur

Les premières œuvres du Créateur étaient les esprits, de glorieuses entités qui peuplaient les nombreuses tours effilées de la Cité d’Or. À en croire le Cantique de la Lumière, ils vénéraient le Créateur d’une dévotion inconditionnelle. Pourtant, l’Éternel était insatisfait. Les esprits avaient beau être pareils à Lui dans la mesure où ils pouvaient manipuler l’éther à leur guise, ils s’abstenaient de le faire. Ils étaient dépourvus d’élan créateur, et même quand on leur en donnait l’ordre, ils ne témoignaient d’aucune imagination susceptible d’insuffler l’ingénuité, la vie.

Le Créateur comprit Son erreur. Il avait créé les esprits à Son image en tout point, sauf le plus important : ils ne possédaient pas en eux l’étincelle du divin. Aussitôt, il chassa les esprits de la Cité d’Or dans l’Immatériel pour s’atteler à sa prochaine création : la vie.

Le Créateur conçut le monde et les êtres vivants qui l’habitaient, séparés de l’Immatériel par le Voile. Ses nouveaux enfants seraient incapables de façonner le monde environnant, il leur faudrait donc lutter pour survivre. En retour, le Créateur leur donna l’étincelle du divin sous la forme d’une âme et observa avec plaisir Ses créations se développer, témoignant toute l’ingénuité qu’Il espérait d’elles.

Jaloux des vivants, les esprits tentaient de les attirer dans l’Immatériel pendant leur sommeil. Ils voulaient en savoir plus sur la vie dans l’espoir de regagner les faveurs du Créateur. Par les yeux des vivants, ils découvraient de nouveaux concepts : l’amour, la peur, la douleur, l’espoir. Ils remodelèrent l’Immatériel pour singer les vies et les sentiments qu’ils observaient, chacun tentant désespérément d’attirer le plus de rêveurs en son royaume pour que lui aussi puisse, par procuration, posséder l’étincelle du divin.

Leur pouvoir allant croissant, certains esprits – ceux qui s’étaient glissés dans les recoins les plus sombres de l’esprit des rêveurs – finirent par mépriser les vivants. Leurs terres n’étaient que tourments et horreur, reflétant les propensions aussi inavouables de leurs victimes pour mieux les appâter. Ces esprits remirent en question la sagesse du Créateur et se proclamèrent supérieurs aux vivants. Ils tirèrent les leçons des ténèbres qu’ils avaient observées et devinrent les premiers démons.

Colère, faim, paresse, désir, orgueil : tels sont les noirs aspects de l’âme qui confèrent aux démons leur pouvoir, les crochets dont ils se servent pour s’agripper au monde des vivants. Ce furent les démons, insinués dans l’esprit des hommes, qui les persuadèrent de se détourner du Créateur pour vénérer de faux dieux. Ils voient en toute vie leur dû et cherchent à s’en emparer, en forgeant des royaumes cauchemardesques dans l’Immatériel, dans l’espoir de prendre un jour d’assaut jusqu’aux cieux.

Et le Créateur une fois encore versa des larmes, car Il avait fait à ses nouveaux enfants le don de la création, et en retour ils avaient créé le péché.

— Tiré des « Premiers enfants du Créateur » de Bader, enchanteur de rang d’Ostwick, 8:12 des bontés.

La Couronne de Cuivre