212 – Le premier Enclin – chapitre deuxième

Nos contemporains n’ont que rarement conscience de ce qu’engendra le deuxième péché. Bien sûr, les bonnes gens, les fidèles maudiront les utilisateurs des arcanes interdits, à grand renfort de crachats et de claquements de doigts ; mais plus aucun n’est en vie qui se rappelle de première main cette horreur libérée jadis. Des archives qui pouvaient exister à l’époque, aucune n’a survécu au chaos et à l’ignorance qui s’ensuivit. Seuls nous sont parvenus les témoignages de survivants, transmis à travers les âges sombres, et le dogme didactique de la Chantrie. Un héritage aussi précieux qu’il est rare.

Je ne pense pas commettre un euphémisme en affirmant que le deuxième péché mit toute vie en Thédas sur la sellette. Les engeances sont plus virulentes que la pire des épidémies, une force de la nature impitoyable qui fut infligée à notre monde telle un vent mauvais. Les récits des Enclins suivants (car tel est le nom obscur qui fut donné à ces invasions) nous indiquent que les engeances propagent maladie et famine partout sur leur passage. La terre même est viciée par leur présence, le ciel se couvre de nuages d’un noir furieux. Il n’est point exagéré, mes amis, de dire qu’un rassemblement massif d’engeances est annonciateur d’un cataclysme effroyable.

Ces inquisiteurs maudits qui devinrent les premières engeances fouaillèrent la terre pour trouver le réconfort dans l’obscurité des Tréfonds nains ; c’est là, au milieu des ténèbres, qu’ils se multiplièrent. Qu’ils fussent animés d’un dessein ou simplement de quelque vestige de leur adoration passée, ils tentèrent de retrouver les Anciens dieux qu’ils servaient jadis. Leurs recherches furent couronnées de succès en la présence de Dumat, premier des Anciens dieux, autrefois appelé dragon du silence avant que le Créateur ne l’emprisonnât sous terre, avec tous ses frères, pour avoir commis le premier péché : usurpé la place du Créateur dans le cœur de l’homme.

Le dragon somnolent s’éveilla, libéré de la prison du Créateur par ses disciples abjects, et reçu lui- même la souillure. Dumat devint alors le premier archidémon, son terrible pouvoir désormais soumis à la volonté d’une conscience pourrissante et impie. La horde des engeances sur ses traces, Dumat fendit à nouveau les cieux pour défaire le monde que le Créateur avait fait. L’Ancien dieu était devenu l’œil d’un noir cyclone qui ravagerait le monde tout entier.

— Tiré de « Ainsi tomba Thédas » de frère Génitivi, érudit chantriste.

La Couronne de Cuivre