207 – Mort d’un templier

Craquelée, poussiéreuse, la terre aspire les gouttes salées qui tapotent sa surface. Un insecte minuscule reste immobile quelques secondes à en ressentir les vibrations, puis détale en laissant derrière lui son ennemi invisible. Les gouttes tombent, les cercles sombres fusionnent, comme par volonté de refléter leur créateur.

Soif de sang, douleur : ces émotions primaires forment une mixture létale qui aura raison de l’homme le plus fort. C’est à l’esprit que doit revenir l’administration de la force, non au bras ou au cœur. Seuls les plus sages se tournent vers Son sanctuaire intérieur pour séparer l’âme de l’élan vers la folie et le chaos. Des voix susurrent, mielleuses, les promesses de gloire qu’offre la voie des faibles, celle de la chair, qui ne réserve qu’une mort bien pire que celle du plomb ou de l’acier en fusion. Ces promesses creuses sont à jamais l’écho de l’innommable.

Qui mène une vie d’opulence et de matérialisme en vient vite à ne plus comprendre le sens de la haine irraisonnée. De cette haine tapie chez ceux que ne guide pas une indéfectible foi, qui ne cherchent pas à rejeter la noirceur de leur âme. Irraisonnée, corrompue et donc loin de toute innocence, elle laisse une balafre permanente et interne.

La pluie a viré au rouge ; elle paie les dettes des actes passés. Elle sonde, patiente, la terre, tandis que l’esprit s’engourdit. Comment s’est-il retrouvé dans cette situation ? L’esprit reflue, laisse derrière lui le vague souvenir de l’innocence la plus pure. Il est venu à la guerre comme l’enfant vient au monde, inconscient des horreurs qui le guettent comme de la lumière créatrice qui le sauvera.

Au-dessus de lui retentit le froissement du métal sur le cuir. De son premier souffle jusqu’à son dernier, son esprit aura analysé sans répit savoir et expériences. En son for intérieur, il pensait pouvoir se targuer d’être sage, mais seul le plus humble sait qu’il ne sait rien. Parti-pris, conjectures et faux-semblants en tout genre font place au sifflement de l’acier. Les yeux secs, fort de cette ultime compréhension, il apprête enfin son âme à ce dernier voyage vers la promesse divine.

— Tiré de « Mort d’un templier » de ser Andrew, chevalier d’Andrasté et templier archiviste, 9:4 du dragon.

La Couronne de Cuivre