203 – Histoire de la Chantrie – chapitre troisième

Il est dit qu’à la bataille des Champs valériens, Maférath se dressa pour contempler ses armées. Il avait conquis les marches méridionales du plus grand empire que le monde avait jamais connu et fait de clans barbares épars une force redoutable. Le cœur empreint de fierté, il se tourna pour féliciter ses hommes et s’aperçut qu’ils s’étaient détournés de lui.

Maférath succomba aux sirènes de la jalousie. Après tout ce qu’il avait entrepris, c’était à sa femme que revenaient les honneurs ; à elle, le pouvoir et l’influence, alors que lui était relégué au rang de second époux, derrière le Créateur. Son cœur s’emplit de colère. Toutes ces conquêtes pour finalement voir sa femme lui être arrachée par un dieu oublié et une légion de racailles en mal de foi… Peut-être cette guerre n’en valait-elle pas la peine.

C’est ici que l’Histoire et le Cantique de la Lumière entrent en désaccord. Selon l’Histoire, Maférath porta ses regards vers le nord, au centre de l’Empire ; il n’y vit que guerre, encore et encore, face à un ennemi qui toujours se relevait, et céda au désespoir. Le Cantique de la Lumière, lui, soutient que Maférath jalousait le Créateur et la gloire qu’Andrasté retirait alors que c’était lui qui avait mené les armées.

Maférath gagna la capitale impériale de Minrathie pour s’entretenir avec l’archonte Hessarian ; il lui offrit son épouse en échange d’une trêve mettant fin une fois pour toutes aux hostilités. L’archonte, soucieux de faire taire la voix de la prophétesse qui montait contre lui son propre peuple, accepta avec empressement. Aussi Maférath conduisit-il Andrasté dans une embuscade où elle tomba aux mains des agents tévintides. Ainsi s’achevait sa Marche exaltée.

Il y avait foule sur la grand-place de Minrathie lors de l’exécution d’Andrasté. Sur ordre de l’archonte, elle fut brûlée vive, supplice parmi les supplices selon l’Empire tévintide ; pour la Chantrie, toutefois, Andrasté fut purifiée par les flammes, qui lui permirent de s’élever aux côtés de son Créateur. Tous les témoignages s’accordent en tout cas à dire qu’en lieu et place des cris attendus, il n’y eut que silence. À la vue de la prophétesse au milieu des flammes, un profond sentiment de honte s’empara de l’assistance, comme si tous avaient été complices d’un blasphème. L’instant était à ce point poignant que l’archonte lui-même dégaina son épée et la plongea dans le cœur de la prophétesse pour abréger ses souffrances.

Alors que l’exécution d’Andrasté devait signifier la défaite du Créateur, elle ne fit que sceller le sort des Anciens dieux et ouvrir la voie à la propagation du Cantique.

— Tiré de « Ainsi tomba Thédas » de frère Génitivi, érudit chantriste.

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