133 – L’empire orlésien

Val Royeaux compte bien des seigneurs et dames.

Et pour cause. Jadis, la hiérarchie des nobles en Orlaïs relevait de l’incompréhensible : barons, baronnes, baronnets, surbarons et une pléthore d’autres encore, chacun doté de ses propres origines et de ses nuances relatives. L’aristocratie orlésienne est ancienne et très portée sur la compétition. Toute la noblesse, qu’elle le veuille ou non, se livre à ce qu’elle appelle le « Noble jeu » : une bataille faite de réputation et de relations où chaque coup se joue à l’aide de rumeurs, où le scandale est l’arme par excellence. Un jeu qui ne pardonne aucune erreur, qui – chaque gentilhomme céans me l’a assuré – a fait couler plus de sang que toutes les guerres orlésiennes réunies.

La hiérarchie changea du tout au tout sous le règne de l’empereur Drakan, qui fonda l’Empire orlésien sous sa forme actuelle et créa la Chantrie. Aucun grand homme n’est plus vénéré en Orlaïs ; à Val Royeaux, sa statue rivalise en taille avec celle d’Andrasté. Drakan décréta que le Noble jeu minait Orlaïs et abolit tous les titres sauf le sien et ceux de seigneur et dame.

On m’a informé, non sans force gloussements complices, que cette action n’avait pas mis fin au Noble jeu comme l’escomptait Drakan : désormais, seigneurs et dames collectionnaient les titres officieux plutôt qu’officiels, tels que « le patron exalté de Tassus Klay » ou encore « oncle du champion de Tremmes ». Devant la complexité et le ronflant de ces titres à rallonge, on ne peut que plaindre le pauvre portier qui devait tous les égrener à l’arrivée de chaque convive.

L’aristocratie diffère également sur d’autres points de celle de Férelden. Le droit à la souveraineté des Orlésiens provient ainsi directement du Créateur. Le concept de souveraineté par mérite leur est étranger, de même que celui de rébellion. Qui n’est pas noble aspire à l’être, ou du moins à s’attirer les bonnes grâces d’un noble, et cherche en permanence à nouer des relations avec ses supérieurs dans le Noble jeu.

Je m’aperçois que je n’ai pas évoqué les masques. Ni les cosmétiques. Je n’ai jamais vu autant de peinturlurages hormis peut-être aux chenils de Hautecime. Mais c’est là une autre histoire.

— Tiré de « Par-delà les Dorsales » du bann Téoric des Collines occidentales, 9:20 du dragon.

La Couronne de Cuivre