219 – Éloge de l’humble cochard

J’ai jadis servi un cochard à un humain qui m’a rétorqué avoir l’impression de manger une union contre nature de porc et de lièvre. L’idée le troublait à ce point qu’il refusa de finir son plat et se contenta de pain rassis.

Bien évidemment, cette anecdote démontre uniquement que le palais des surfaciens, humains ou autres, est d’un manque de raffinement criant. À n’en pas douter, le cochard est l’animal le plus délicieux que j’ai jamais mangé. Il faut être mort pour ne pas saliver à l’idée d’une pièce bien tendre de cochard rôti qui fond dans la bouche. C’est au Haut Varen – dont la maison n’est hélas plus des nôtres – que nous devons la découverte des délices du cochard ; certes, ce fut par désespoir, alors que séparé de sa légion, il errait dans les Tréfonds depuis une semaine, mais nous ne saurions le reprocher à notre bon Haut.

Si les plats au cochard les plus répandus sont les crêpes et les pilons panés (mes enfants en raffolent), il existe également de nombreuses façons surprenantes et raffinées de l’accommoder. Feu sa Majesté Ansgar Aeducan était très friand de cochard cuit à la plancha puis braisé, accompagné d’une crème de champignons des Tréfonds. Pour l’utilisation de ces derniers, la prudence est de mise, car ils poussent souvent à proximité de cadavres d’engeances. On dit que c’est ce qui leur confère leur goût unique et leur odeur enivrante, mais qu’à trop en consommer, l’esprit finit par vous jouer d’étranges tours.

— Tiré de « Éloge de l’humble cochard » de Bragan Tolban, maître-queux réputé de la maison Aeducan.

La Couronne de Cuivre